mardi 5 octobre 2010

/pɔ.le.mist/

Comme le titre le laisse [phonétiquement] deviner, j'ai envie de vous parler d'écriture, et plus spécifiquement de l’engagement de soi dans l’écriture…
En fait, je voudrais vous parler, les semaines qui vont suivre, le mardi soir (puisqu’on m’a proposé ce jour-là comme date de postage de commentairounets), de trois écrivains « polémistes » (mais aussi bien plus que cela, j’espère bientôt vous en convaincre), que je considère personnellement comme assez spectaculaires, autant du point de vue du style qu’ils emploient, que de l’intérêt que présentent leurs idéaux…

Ces trois personnes, ce sont des personnes prodigieuses ; et pourquoi ?

Parce que ce sont des gens qui ont dévoilé quelque chose quelque part, et qui n’en restent pas moins des Hommes ; des personnes qui ont exposé des critiques à l’encontre des autres, et parfois d’eux-mêmes ; des Hommes qui ont combattu quelque chose et qui n’ont trouvé contre l’injustice (la violence d’autrui contre autrui) ou la solitude (la violence de soi contre autrui)ou la prostration (la violence de soi contre soi) qu’un seul moyen de lutte, car ce sont bien des luttes qui s’engagent dans leurs œuvres –on en ressent, bien souvent, la tension extrême qui les parcourt- pour proclamer une pensée ou émettre une protestation.

Et ce moyen, c’est l’écriture.

Quelle situation paradoxale pour ces Hommes là ! Paradoxe terrible car, il faut se le demander : comment l’écriture, activité paraissant la plus secrète et la plus tue, la plus mystérieuse et la plus personnelle, la moins facile certes et pourtant la moins vantée parfois, qui s’opère dans le silence et à partir du silence, comment peut-elle raisonnablement faire fonction de cri ? Comment peut-elle, résultant à la fois du calme et de la concentration la plus extrême, faire office d’hurlement de colère? Comment manifester sa rage par l’écriture, comment lutter par les mots ?

Comment se révolter par de l’encre ?

Quand on nous pose la question : « et vous, si une guerre éclatait, que feriez-vous ? », l’interlocuteur attend de nous l’une ou l’autre des ces deux réponses : ou bien j’attaque, ou bien je fuis. Le combat ou la désertion, la bataille ou la déroute. Pas d’autre choix que de prendre les armes ou de les éviter.

Et pourtant, il me semble que l’écriture, ou toutes autres activités créatrices, que ce soit la peinture ou le cinéma ou la sculpture, sont des réponses adaptées à cette question : « que feriez-vous ? »… Face à une situation extérieure terrifiante, à un environnement angoissant et agité, pour lesquels vous ne pouvez avoir que du dégoût et de l’animosité, que feriez-vous ? Attaquer ? S’en éloigner ?

Allons plus loin et demandons-nous : pour défendre nos opinons, que ferions-nous ?

J’écrirais, auraient dit les trois auteurs que je vous présente aujourd’hui… J’écrirais mon dégoût, mon angoisse ou ma haine : je ferais part de ce que je pense, à propos de la Terre, et de ses habitants !

C’est bien cette forme d’engagement de soi qu’ont tenté trois auteurs : Paul-Louis Courier, Jules Renard et Henry David Thoreau, convaincus qu’il y a d’autres choix pour vivre et pour défendre leurs consciences, leurs individualités…

C’est un choix d’auteur assez personnel que j’ai donc fait pour ces articles, mais je crois que ce sont trois auteurs assez intéressants du point de vue des polémiques qu’ils ont pu engendrer et des formes d’écritures originales qu’ils ont adoptées : le pamphlet (Pamphlet des Pamphlets), le journal (Journal : 1887-1910) ou le récit autobiographique (Walden), trois formes dont le point commun est la libre expression de soi et de ses pensées… Trois façons de critiquer, de passer une chose au crible d’un jugement, une structure ou une personne, un gouvernement, ou une société toute entière… Trois moyens d’être critique du Pouvoir, révélateur des Identités et détracteur de la Société…

Car n’oublions jamais que la littérature est autant enjeu d’exercices esthétiques, presque plastiques parfois, que cri du cœur et engagement de soi : écrire, c’est s’écrire, dévoiler sa pensée, son avis sur. Et avant que, grignotés de toutes parts par je ne sais quoi, nos idéaux personnels ne soient plus rien « qu’un peu d’eau qui se perd », il faut apprendre à les écrire, à les rédiger, quitte à ce que ce soit sur n’importe quoi, une feuille ou un cahier, une ligne (Et l’unique cordeau des trompettes marines) ou deux-milles pages (Longtemps, je me suis couché… ).

Il faut apprendre à se dévoiler, dévoiler ce qu’on pense, et ce, coûte que coûte. Il faut parfois ne plus savoir se taire, et, sans brusquerie, polémiquer.

Toujours.


PS : Au passage, n’oublions pas que ce jeudi est le jour de décernement du Prix Nobel de Littérature 2010… Après Lessing, Le Clezio et Herta Müller… Quel est le prochain ? Prenez les paris…

PS² : …à moins que vous considériez par certains aspects que ce prix est dénué et d’intérêt et de sens et d’importance, et qu’il n’est finalement qu’une usine à ranger les auteurs dans des petites boîtes « nobélisés »/ « non nobélisés », avec à la clé, forcément, un chèque d’un million de couronnes suédoises…

6 commentaires:

  1. je te redécouvre ici, et cest splendide.
    Jattend d'iris ferme tes prochains articles

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  2. J'aime
    la longueur du texte
    le culot
    le choix original des auteurs
    l'audace de tente de définir, de théoriser
    les définitions de l'injustice et de la prostration
    j'aime moins
    un certain flou (de quel point de vue parles-tu de quelle société, pourquoi écrire est-il si engagé, etc.)
    la définition de l'écriture comme expression, comme si écrire était parler de soi, alors que tu annonçais un tout autre altruisme
    la définition de la solitude
    l'ironie sur les nobels
    je suis sévère pour deux raisons:
    ton texte est très bon
    et,
    comme je te le disais
    tu n'as pas droit à l'erreur

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  3. Merci beaucoup pour vos encouragements, Gaston, Tiphaine et Monsieur Yoda... ^^
    Pas facile, le premier article... Jamais faciles les premiers quelque choses : on hésiterait presque parfois à s'y mettre, mais c'est pourtant si agréable quand on est lancés !

    Je n'ai pas le droit à l'erreur : donc le devoir à l'excellence ? Terrible exigence... J'essaierai...
    Nous essaierons tous...^

    Enfin, l'ironie sur les Nobel n'était que feinte, et je parie même sur la nomination, demain, de Tranströmer : la poésie n'a été que trop longtemps omise par le Comité Nobel !! ^^
    ...

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  4. je trouve ta façon d'écrir vraiment très intéressante ! et puis : "Il faut apprendre à se dévoiler, dévoiler ce qu’on pense, et ce, coûte que coûte. Il faut parfois ne plus savoir se taire, et, sans brusquerie, polémiquer."
    J.A.D.O.R.E. :D

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  5. Merci beaucoup pour ton commentaire, Ginette, j'en suis très touché !! :) ^^

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