jeudi 29 août 2013

Hauteurs du Machu Pichu par Pablo Neruda (Chant XI)


Aigle sidéral, vignoble de brume.
Bastion égaré, cimeterre aveugle.
Ceinture constellée, pain solennel.
Gradins torrentiels, immense paupière.
Tunique en triangle, pollen de pierre.
Lampe de granite, miche de pierre.
Crotale minéral, rose de pierre.
Nef ensevelie, fontaine de pierre.
Cheval de la lune, clarté de pierre.
Equerre équinoxiale, halo de pierre.
Géométrie finale, écrit de pierre.
Névé sculpté au milieu des rafales.
Madrépore du temps au fond des eaux.
Muraille que les doigts ont adoucie.
Faîtage par les plumes combattu.
Bouquets de miroirs, bases de tempête.
Trônes que la liane a jetés à bas.
Régime de la serre ensanglantée.
Ouragan maintenu sur le versant.
Cataracte immobile de turquoise.
Bourdon patriarcal de ceux qui dorment.
Anneau, carcan des neiges dominées.
Fer allongé sur ses propres statues.
Inaccessible et nuageuse tourmente.
Pattes de puma, roche sanguinaire.
Ombreuse tour, controverse de neige.
Nuit qui s’élève en doigts et racines.
Croisée des brouillards, colombe endurcie.
Plante nocturne, statue des tonnerres.
Cordillère essentielle, toit marin.
Architecture d’aigles égarés.
Corde du ciel, abeille des sommets.
Niveau sanglant, étoile élaborée.
Bulle minérale, lune de quartz.
Serpent des Andes, tempes d’amarante.
Coupole du silence, patrie pure.
Aimée du large, arbre de cathédrales.
Gerbe de sel, cerisier : ailes noires.
Neigeuse dentition, tonnerre froid.
Lune égratignée, pierre menaçante.
Chevelure du froid, action de l’air.
Volcan de mains, obscure cataracte.

Vague d’argent, orientation du temps.


© Traduction Pierre Clavilier