Fidèle à ma conduite achronologique en tout point, après Christine de Pisan (XIVe) et Sarraute (XXe), je vous présente Lucie Delarue-Mardrus (à cheval entre le XIXe et le XXe).
Poétesse effacée, auteur(e) discrète et oubliée, elle prendra goût aux lettres dès 17 ans, en commençant à écrire des petits sonnets, somme toute assez classiques ; entre régionalisme ("l'odeur de mon pays était dans une pomme / de tes prés, copieuse et forte Normandie") et orientalisme (elle épousera un orientaliste averti, ami de Mallarmé et de Gide, traducteur des 1001 Nuits, parcourra le monde musulman et finira par apprendre l'arabe), elle tentera de s'affirmer littérairement parlant, pour finalement s'imposer en tant que figure de conférencière internationale (voyages en Europe et aux Etats-Unis).
Voici donc, de cette poétesse, "Races" (Horizons, 1904), titre dont on comprend aisément le sens à la lecture, entre rage illimitée et pointilleuse justesse...
Races
Vous autres qui traînez vos généalogies
A travers les bonheurs et les malheurs
Des âges, et croyez savoir par cœur
Quel sang vous bouillonne, ou vous stagne au cœur,
Vous ne me direz pas, vous, de quelles orgies
De misère et d'orgueil je sors,
Ni de quels vivants furent les morts
Dont je suis descendante au soleil d'aujourd'hui
Ainsi, l'énigme de moi-même me fuit,
Mais je sens en moi des millions d'aïeux
Se battre. Et sais-je bien ce que je veux et peux,
Debout sur cette foule profonde ?
Or, sur la berge où les usines grondent,
Si, des soirs, j'ai compris que je sortais des reins
Des gueuses et des gars manieurs de surins,
Dont je frôle en passant le cousinage sombre,
Et si, dans l'oreiller de soie,
Inerte d'indolente et délicate joue,
J'ai frissonné tous les frissons subtils,
Un regard autocrate et peureux dans les cils,
Maintenant je demande – et de toute ma flamme –
Votre mort dans ma chair, votre mort dans mon âme,
Tas de femelles et de dames
Qui me circulez dans le sang
Garces d'amour, de rêve et de sang,
Filles d'honneur, filles de joie,
Horde en tumulte, horde interne qui s'éploie
Femmes de mer, femmes de terre
Ô contradictoires, mes Mères !
Pourquoi tes contributions
RépondreSupprimerne pas regrouper?
une petite anthologie,
cela ferait
Hum... Pas bête du tout... J'y pense, j'y pense !
RépondreSupprimerMais le titre, quel serait-ce ?
A y réfléchir... ^^
Pourquoi pas
RépondreSupprimer"siècle"?