mercredi 16 octobre 2013
mercredi 9 octobre 2013
dans mon verre d'eau glacée, l'étinsolente
le talon de ta bottine
dans mon verre d'eau glacé
dans la paille entrelacée
sur l'herbe verte que tu piétines
de toute ta guibole
l'attelage qui reste à l'ombre
à l'ombre l'attelage est sous l'arbre
car l'attelage en a assez !
de la chaleur qui le piétine
cagnard ! cagnard des plus féroces
cagnard des bannis des bagnards
qui n'ont plus d'ombre
qui n'ont plus d'arbre
et qui rêvent assez
d'un tout petit
petit verre d'eau glacé
bagnards et forcenés qui se piétinent tout enchainés
comme on martèle le cuir chaud
comme on fait cuir dans le levain
dans d'immondes d'immenses odeurs
d'enfers tout africains Et que faire dans le Levant ?
dans les fours qui sont des geôles ?
et qui sont ces masses avec ardeur ?
avec des danses et des odeurs
fournaise ! bûcher ! autodafé !
ça les empêche de rêvasser
là où l'herbe n'est pas verte
là où l'herbe n'a jamais été verte
là où l'herbe ne sera jamais verte
rien ! défaite sans avenir !
ça c'est l'éclatante victoire de la fournaise ! de la foutaise !
ça est le torrent torride ! et un cigare sur le bûcher
c'est la fumée qui ne fait pas d'ombre
pour les bagnards qui n'ont plus d'arbres
pour les badauds les trébuchés !
échauffourées dans les déserts c'est un
bannis qui prend des airs
d'étincelles intéressées
et une fourche qui n'est pas fraiche
l'étinsolente ! Soleil et chair !
échauffourées dans les déserts..
ça l'attelage n'est pas heureux
dans les déserts peu chaleureux
ça l'attelage sous la ferraille
et c'est des arbres qui n'ont pas d'herbes
la ferraille est un arbre qui n'a pas d'ombre
arbre de mitraille ! arbre des mitards
l'attelage avance parce qu'il fait chaud
parce que la bottine fait mal
dans toute la guibole
et c'est fâcheux
arbre furibond : une rixe dans le magma
sans ombre et sans herbe, une faucheuse
ça mitraille sur la bagnole C'est grossier ces carosse-
ries et ça ricoche et la rocaille
et bin ça crépite ça caillasse
et ça crapote
et ça ripaille comme des bagnards
à la guibole toute paillassée
dans mon verre d'eau
petit verre d'eau glacée
dans mon verre d'eau glacé
dans la paille entrelacée
sur l'herbe verte que tu piétines
de toute ta guibole
l'attelage qui reste à l'ombre
à l'ombre l'attelage est sous l'arbre
car l'attelage en a assez !
de la chaleur qui le piétine
cagnard ! cagnard des plus féroces
cagnard des bannis des bagnards
qui n'ont plus d'ombre
qui n'ont plus d'arbre
et qui rêvent assez
d'un tout petit
petit verre d'eau glacé
bagnards et forcenés qui se piétinent tout enchainés
comme on martèle le cuir chaud
comme on fait cuir dans le levain
dans d'immondes d'immenses odeurs
d'enfers tout africains Et que faire dans le Levant ?
dans les fours qui sont des geôles ?
et qui sont ces masses avec ardeur ?
avec des danses et des odeurs
fournaise ! bûcher ! autodafé !
ça les empêche de rêvasser
là où l'herbe n'est pas verte
là où l'herbe n'a jamais été verte
là où l'herbe ne sera jamais verte
rien ! défaite sans avenir !
ça c'est l'éclatante victoire de la fournaise ! de la foutaise !
ça est le torrent torride ! et un cigare sur le bûcher
c'est la fumée qui ne fait pas d'ombre
pour les bagnards qui n'ont plus d'arbres
pour les badauds les trébuchés !
échauffourées dans les déserts c'est un
bannis qui prend des airs
d'étincelles intéressées
et une fourche qui n'est pas fraiche
l'étinsolente ! Soleil et chair !
échauffourées dans les déserts..
ça l'attelage n'est pas heureux
dans les déserts peu chaleureux
ça l'attelage sous la ferraille
et c'est des arbres qui n'ont pas d'herbes
la ferraille est un arbre qui n'a pas d'ombre
arbre de mitraille ! arbre des mitards
l'attelage avance parce qu'il fait chaud
parce que la bottine fait mal
dans toute la guibole
et c'est fâcheux
arbre furibond : une rixe dans le magma
sans ombre et sans herbe, une faucheuse
ça mitraille sur la bagnole C'est grossier ces carosse-
ries et ça ricoche et la rocaille
et bin ça crépite ça caillasse
et ça crapote
et ça ripaille comme des bagnards
à la guibole toute paillassée
dans mon verre d'eau
petit verre d'eau glacée
jeudi 29 août 2013
Hauteurs du Machu Pichu par Pablo Neruda (Chant XI)
Aigle sidéral, vignoble de brume.
Bastion égaré, cimeterre aveugle.
Ceinture constellée, pain solennel.
Gradins torrentiels, immense paupière.
Tunique en triangle, pollen de pierre.
Lampe de granite, miche de pierre.
Crotale minéral, rose de pierre.
Nef ensevelie, fontaine de pierre.
Cheval de la lune, clarté de pierre.
Equerre équinoxiale, halo de pierre.
Géométrie finale, écrit de pierre.
Névé sculpté au milieu des rafales.
Madrépore du temps au fond des eaux.
Muraille que les doigts ont adoucie.
Faîtage par les plumes combattu.
Bouquets de miroirs, bases de tempête.
Trônes que la liane a jetés à bas.
Régime de la serre ensanglantée.
Ouragan maintenu sur le versant.
Cataracte immobile de turquoise.
Bourdon patriarcal de ceux qui dorment.
Anneau, carcan des neiges dominées.
Fer allongé sur ses propres statues.
Inaccessible et nuageuse tourmente.
Pattes de puma, roche sanguinaire.
Ombreuse tour, controverse de neige.
Nuit qui s’élève en doigts et racines.
Croisée des brouillards, colombe endurcie.
Plante nocturne, statue des tonnerres.
Cordillère essentielle, toit marin.
Architecture d’aigles égarés.
Corde du ciel, abeille des sommets.
Niveau sanglant, étoile élaborée.
Bulle minérale, lune de quartz.
Serpent des Andes, tempes d’amarante.
Coupole du silence, patrie pure.
Aimée du large, arbre de cathédrales.
Gerbe de sel, cerisier : ailes noires.
Neigeuse dentition, tonnerre froid.
Lune égratignée, pierre menaçante.
Chevelure du froid, action de l’air.
Volcan de mains, obscure cataracte.
Vague d’argent, orientation du temps.
© Traduction Pierre Clavilier
samedi 6 juillet 2013
dimanche 19 mai 2013
Elisée Reclus
Clarens, Vaud, 26 septembre 1885.
Compagnons,
Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l'exercice du droit de suffrage. Le délai que vous m'accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j'ai à vous dire peut se formuler en quelques mots. Voter, c'est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir. Voter, c'est être dupe ; c'est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d'une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l'échenillage des arbres à l'extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l'immensité de la tâche. L'histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement. Voter c'est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l'honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l'homme change avec lui. Aujourd'hui, le candidat s'incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L'ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu'il était avant d'avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n'apprend-il pas à courber l'échine quand le banquier daigne l'inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l'honneur de l'entretenir dans les antichambres ? L'atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s'ils en sortent corrompus. N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.
Je vous salue de tout cœur, compagnons.
mardi 7 mai 2013
« Quelle journée !
Ce soleil tiède et clair qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux, le murmure de cette révolution qui passe, tranquille et belle comme une rivière bleue ; ces tressaillements, ces lueurs, ces fanfares de cuivre, ces reflets de bronze, ces flambées d’espoirs, ce parfum d’honneur, il y a là de quoi griser d’orgueil et de joie l’armée victorieuse des républicains.
O grand Paris !
Lâches que nous étions, nous parlions déjà de te quitter et de nous éloigner de tes faubourgs qu’on croyait morts !
Pardon ! Patrie de l’honneur, cité du salut, bivouac de la Révolution !
Quoiqu’il arrive, dussions-nous être de nouveau vaincus et mourir demain, notre génération est consolée ! Nous sommes payés de vingt ans de défaites et d’angoisses.
Clairons ! Sonnez dans le vent ! Tambours ! Battez aux champs !
Embrasse-moi camarade, qui a comme moi les cheveux gris ! Et toi, marmot, qui joues aux billes derrière la barricade, viens que je t’embrasse aussi !
Le 18 mars te l’a sauvé belle, gamin ! Tu pouvais, comme nous, grandir dans le brouillard, patauger dans la boue, rouler dans le sang, crever de honte, avoir l’indicible douleur des déshonorés !
C’est fini !
Nous avons saigné et pleuré pour toi. Tu recueilleras notre héritage.
Fils des désespérés, tu seras un homme libre ! »
Ce soleil tiède et clair qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux, le murmure de cette révolution qui passe, tranquille et belle comme une rivière bleue ; ces tressaillements, ces lueurs, ces fanfares de cuivre, ces reflets de bronze, ces flambées d’espoirs, ce parfum d’honneur, il y a là de quoi griser d’orgueil et de joie l’armée victorieuse des républicains.
O grand Paris !
Lâches que nous étions, nous parlions déjà de te quitter et de nous éloigner de tes faubourgs qu’on croyait morts !
Pardon ! Patrie de l’honneur, cité du salut, bivouac de la Révolution !
Quoiqu’il arrive, dussions-nous être de nouveau vaincus et mourir demain, notre génération est consolée ! Nous sommes payés de vingt ans de défaites et d’angoisses.
Clairons ! Sonnez dans le vent ! Tambours ! Battez aux champs !
Embrasse-moi camarade, qui a comme moi les cheveux gris ! Et toi, marmot, qui joues aux billes derrière la barricade, viens que je t’embrasse aussi !
Le 18 mars te l’a sauvé belle, gamin ! Tu pouvais, comme nous, grandir dans le brouillard, patauger dans la boue, rouler dans le sang, crever de honte, avoir l’indicible douleur des déshonorés !
C’est fini !
Nous avons saigné et pleuré pour toi. Tu recueilleras notre héritage.
Fils des désespérés, tu seras un homme libre ! »
Jules Vallès, Le Cri du Peuple du 28 mars 1871
samedi 6 avril 2013
La parodie (ou l’apparat)
La place pleure
Mais elle se farde La place pleure
Et elle se grime
On déguise la place
On travestit la place La place pleure
il fait froid
Et la pierre humide Et le vent poreux
fouette Il fait froid
La place pleure et elle se poudre
Car la place est flamande ! Saupoudrée de flocons
Flocons flamands!
qui mouillent
la place
La place pleure jusque dans la bière
Car la place est flamande!
jusque dans la pierre
il fait froid
La pierre est froide
et le vent poreux
Mais la pierre est rousse
et le vent vivant
Vivant le vent ! Ecoutez le craquer
jusque dans la bière
La place pleure car elle se veut rouge
Car l'hiver tarde et l'automne reste
Mais la pierre est rousse
et le vent humide
La place pleure et la pierre somnole
Et ça fait du bruit
Du bruit qui chante
dans le vent poreux
jusque dans la pierre
Il fait froid
La place pleure
La place déplore
Elle déplore son vieux temps
son vieux temps espagnol!
quand elle était rouge
quand elle était jeune!
Mais la place est rousse et la bière est blonde
Car la place est vieille et la place est sage
Et la pierre somnole
Et il fait froid
jusque dans la bière
Car l'hiver tarde et l'automne reste
Ecoutez le craquer jusque dans la pierre
La place pleure
Et ça fait tout gris
et ça fait tout gris
jusque dans la pierre
rousse
La place pleure et le vent pousse
Vivant le vent! et la bière
douce
déplaît à la place
Alors la place se farde
la place se poudre
la place se grime
On travestit la place
Jusque dans la pierre
on place deux arbres
deux arbres pour un tronc
et un tronc de pierre
Et deux arbres de fer
On déguise ces deux arbres
On dégrise la place
On la fait rougir
de partout
de tout temps
On lui place son costume
son costume espagnol
Çà et là des lambeaux
Çà et là des drapés
sur les arbres fragiles
Çà et là des lassos des linceuls
Çà et là des haillons
d'argile
Des morceaux des débris
rouges! rouges comme l'Espagne!
De partout de tout temps désormais
la place pleure dans des nappes ibériques
La place est lascive désormais
caressante débauchée indécente
désormais dans ses draps
Mi andalouse mi onduleuse La place pleure
de partout de tout temps
Et pourtant
il fait froid
Et partout il fait gris
Et le vent poreux
dans les linceuls d'argent
des arbres de fer
fouette! fouette! comme un matador
Ecoutez le craquer Alors
On déguise la place
On travestit la place
Comme une corrida
Comme une parodie
Mais la place pleure
pleure dans ses draps gaiement
Et les arbres rouillent
entre la pierre rousse
et les nappes ocres âcres
La place pleure
Désagréablement
Les arbres rouillent et les draps pleuvent
dessus Les arbres tournent brillet tour-
billonnent dessous Et ils agitent alors
les beaux lambeaux rouges
jusque dans la piere
Roue! Roue! Roue! Et beaux lambeaux!
Roue d'automne et de métal
Roue royale sous le soleil d'hiver
sous le soleil tardif
qui aveugle qui avance
Rues qui détalent
Rues qui s'éteignent
jusque dans la bière
Rue royale
Loin loin là-bas
Et la place pleure pour le roi soleil
Et il fait froid
Et il fait gris
Fade comme sur un Watteau
La place pleure à la mode espagnole
sous le courroux sale
et dans la carrousel
d'un râle
qui grince Ecoutez le craquer
Ça grince quand ça tourne
jusque dans la bière
Çà roussit ça rassit
jusque dans la pierre
La place pleure derrière ses châles rouges
- Le voile de la veuve sous les persiennes bouillantes -
Et dans le vent vivant
la place pleure
chaleureusement Car l'hiver tarde et l'automne reste
C'est la morte saison
sur la morne plaine à Verhaeren
C'est la morte saison
sur la morte matière de la ville
Pierre! pluie ! Il pleut jusque dans la pierre!
Et la ville pleure jusque dans sa pluie
Et la place se farde
se farde allègrement
pour oublier la pluie pour oublier les pleurs
pour oublier les pleurs de la pluie
qui gouttent
gouttent
gouttent
gouttent
gouttent
Car l'hiver tarde et l'automne reste
Mais où sont donc passés ces princes d'Orange!
Broyés! Noyés! entre les blondes
les brunes
et les ambrées
entre le rouge carmin
et le noir Carmen
La place pleure pour les réveiller
Mais il fait froid
Il faut habiller Vite!
habiller l'arène habiller l'enceinte
habiller les arbres pour la fête sainte!
Car l'hiver tarde et l'automne reste Vite!
Habiller la brume et le vent poreux et la pierre
humide Car la place est flamande! Vite!
Démembrer la marbre
et vider la bière
La place pleure jusque dans la bière
Car la pierre est rousse
La pierre a toujours été rousse
Rousse de s'être tant déployée
Rousse comme une Espagne fanée fatiguée
et vieillissante
Car l'Espagne est loin
Et il fait froid Jusque dans la bière
Froid! Froid sur la pierre
froid sous la pierre comme sous la pluie
Froid sous les draps et sous les flodons
Flocons flamands
Froid comme un soleil du Nord
Qui aveugle qui avance qui avorte
comme un soleil tardif
sur la pierre dorée
Froid comme la pierre comme le vent
comme la bière
dans la pluie noyée!
Dans les pleurs de la place on déguise les pavés
Car la place est flamande!
et partout embaumée
Car la place pleure et il fait froid
et la bruine chante sur le champ de ruine
Ecoutez le craquer Et la place pleure
sur les pierres dorées
Ecoutez le croquer! Croquer la pierre
le vent la bière
Croquer l'été dans un soleil d'hiver
Car la place est flamande!
et partout agitée
Et ça fait tout froid tout froissée
jusque dans la pierre
Et la place pleure et elle se donne l'air
Et comme le soleil dans son enfer polaire
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé
Edouard Mercier
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